Politique

 Le MRP a-t-il une doctrine sur les problèmes d'Outre-mer ?

Sans date

Principe général

Le Mouvement Républicain Populaire a, depuis ses premiers Congrès, adopté comme ligne politique générale Outre-Mer ce principe qui, d'ailleurs, inspire le Titre VIII de la Constitution : la substitution progressive, aux anciens liens impériaux qui étaient des liens de subordination, de libres liens d'association.

Ce principe implique, en particulier, le développement d'un certain nombre d'institutions locales et d'institutions centrales. Étant donné la variété des institutions locales suivant qu'il s'agit d’États associés, de Territoires d'Outre-Mer ou de Départements d'Outre-Mer, nous en traiterons à propos de chaque catégorie de pays d'Outre-Mer. Disons seulement, pour l'instant que le Mouvement a toujours été partisan d'une large décentralisation. Dès 1947 en effet, le Congrès de Paris réclamait :

la participation des autochtones à l'administration de leurs territoires, et ceci à tous les échelons, les modes électifs étant adaptés à la structure des collectivités.

Toutefois le MRP a toujours considéré que cette décentralisation devait s'opérer en faveur des territoires eux-mêmes, et non en faveur des groupes de territoires dont  l'autonomie représente au contraire une forme de centralisation particulièrement oppressive et nivelante.

Le Congrès de Paris en 1953 devait donner forme à cette doctrine en demandant :

que soient précisés et limités les pouvoirs des gouvernements généraux.

De même le Congrès de Lille en 1954 a demandé également :

que dans le cadre de la République soit poursuivie une politique de décentralisation permettant aux populations d'assumer des responsabilités démocratiques de plus en plus larges, compte tenu du degré d'évolution.

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Institutions centrales

Dans ces Congrès successifs, le MRP a réclamé la mise en place, puis le développement, des institutions prévues par le Titre VIII de la Constitution.

A) Assemblée de l'Union Française.

Déjà le Congrès de Toulouse, en 1948, affirmait :

L'autorité et la compétence de l'Assemblée de l'Union Française doivent être étendues dans l'intérêt même des populations d'Outre-Mer.

Point plus nettement accentué l'année suivante au Congrès de Strasbourg qui demandait de :

la faire entrer dans le Collège électoral du Président de la République, Président de l'Union Française, de lui reconnaître compétence pour les problèmes généraux de l'Union et les matières concernant les pays d'Outre-Mer, de l'acheminer progressivement du stade consultatif au stade délibératif.

Il importe en effet que les populations d'Outre-Mer, justement désireuses d'égalité politique, prennent une place toujours plus grande dans la gestion de la République. Certes, cette place pourrait leur être assurée par une participation plus large à l'Assemblée Nationale. Toutefois, en l'absence d'une Assemblée locale de la métropole, celle-ci est fatalement absorbée par des problèmes particulièrement métropolitains auxquels les députés d'Outre-Mer sont forcément un peu étrangers. Le développement des pouvoirs de l'Assemblée de l'Union Française, qui dans sa structure et sa composition, comme dans les modalités de son recrutement, a un caractère fédéral, a toujours paru de meilleure méthode au Mouvement.

b) Haut-Conseil.

Parallèlement, le Congrès de Toulouse a réclamé la mise en place du Haut-Conseil « dans l'esprit même de la Constitution ». En 1949, le Congrès de Strasbourg devait préciser :

Cet organisme ne pourra efficacement remplir son rôle, s'il n'est pas assuré du secret de ses délibérations et du support administratif d'un Secrétariat général.

c) Exécutif.

L'exécutif, lui aussi devait être réorganisé pour permettre une meilleure coordination des questions d'Outre-Mer.

C'est ainsi que le Congrès de Nantes 1950 a exprimé le souhait :

que la Présidence du Conseil soit organisée de telle façon qu'elle puisse coordonner efficacement les rapports de la Métropole et des Pays d'Outre-Mer, soit par la constitution d'un Comité Interministériel présidé par le Président du Conseil lui-même, soit par la désignation d'un ministre d’État assistant le Président du Conseil, soit par l'utilisation simultanée de ces deux méthodes.

Le même Congrès demandait que :

pour faciliter cette coordination soient créés des Secrétariats d’État chargés de l'Algérie et des nouveaux départements d'Outre-Mer.

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 Enfin, le MRP s'est montré attaché à la définition de la citoyenneté de l'Union Française prévue par la Constitution, demandant que :

les droits et obligations attachés aux qualités de citoyens français et de citoyens de l'Union Française soient précisés dans des lois.

Territoires d'Outre-Mer

I/ - Questions politiques et administratives.

A) Fédéralisme.

Le MRP s'est toujours montré largement fédéraliste. C'est ainsi qu'il a été, depuis leur création, partisan de développer les attributions des Assemblées locales. Le Congrès de Toulouse 1948 formulait ainsi ce point de doctrine :

Le MRP réaffirme le principe de la décentralisation à l'échelon local, insiste sur l'importance particulière des Assemblées locales.

Décentralisation, nous l'avons dit, non seulement vis-à-vis de la métropole, mais vis-à-vis des gouvernements généraux. Ainsi le Congrès de Toulouse a-t-il demandé que soient transférées aux assemblées locales « la plupart des attributions financières des Grands Conseils ». Comme nous l'avons déjà vu, le Congrès de Paris 1953 a demandé que soient « limités les pouvoirs des gouvernements généraux ». Ce même Congrès devait préciser sa doctrine en demandant :

que sur le plan législatif soient rapidement votés les textes de loi, tant sur les Assemblées territoriales que sur les communes de plein et moyen exercice, que soit préparé la réalisation de Conseil de Cercles ou de Régions et fixé le statut juridique des collectivités indigènes.

Ce même Congrès de Paris, sur un plan légèrement différent, mais toujours dans un esprit de décentralisation, devait rappeler :

que l'intégration des territoires de la République ne se comprend que dans le cadre d'une large décentralisation et dans le respect des caractères propres au milieu des autochtones.

Enfin, envisageant non seulement les Assemblées, mais les autres institutions des Territoires, le Congrès de Lille devait demander, comme nous l'avons déjà indiqué :

que dans le cadre de la République soit poursuivie une politique de décentralisation permettant aux populations d'assumer des responsabilités démocratiques de plus en plus larges, compte tenu du degré d'évolution.

B) Collège unique.

Pour ces assemblées, comme pour toutes élections dans les Territoires d'Outre-Mer, le MRP s'est déclaré partisan du COLLEGE UNIQUE . Ce point a été défini notamment par le Congrès de Toulouse 1948.

C) Méthodes administratives.

Le Mouvement a toujours considéré que « la Révolution de 1946 » n'aurait pas de portée sans un changement dans les méthodes administratives.

L'égalité de tous les citoyens de l'Union Française doit se manifester par le développement d'une démocratie authentique sur le plan politique, économique et social. Les Administrateurs civils, métropolitains ou autochtones de l'Union Française doivent, dans cet esprit, renouveler les méthodes administratives.

D) Intégration des autochtones à tous les échelons de la fonction publique.

S'inspirant du même esprit, dans les Territoires d'Outre-Mer (comme d'ailleurs dans les protectorats) le MRP est partisan d'une large intégration des autochtones dans la fonction publique et ceci à tous les échelons.

Le Congrès de Paris 1947 réclamait :

la création de cadres également ouverts aux européens et aux autochtones.

Le Congrès de Lille 1954 devait suggérer :

qu'un nombre de places plus important soit réservé à des cadres autochtones dans l'Administration, soit par recrutement direct, soit par l'intermédiaire de l’École Nationale de la France d'Outre-Mer.

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II/ - Questions sociales.

A) Code du Travail.

Le parti qui au prix d'un extraordinaire effort a arraché au Parlement le Code du Travail Outre-Mer – Code, rappelons-le, déposé par Paul Coste-Floret, soutenu par Pierre Pflimlin et dont le rapporteur qui lui laissera son nom a été Joseph Dumas – ne pouvait pas être indifférent à l'ensemble des autres questions sociales. Puisque le Code du Travail est désormais en vigueur nous insisteront plus spécialement sur ces autres questions.

B) Inspection du travail.

Toutefois la meilleure législation du Travail sera inefficace si une inspection du Travail nombreuse et dotée de moyens ne veille sur son application. C'est ce qu'ont rappelé notamment les Congrès de Strasbourg, de Lille et de Bordeaux.

Ainsi à Strasbourg 1949 a-t-on demandé :

De renforcer les effectifs et la compétence de l'inspection du Travail étendus également au domaine social.

Et à Lille 1954 le Congrès a réclamé :

pour l'inspection du Travail, les moyens nécessaires à l'accomplissement de sa tâche et en particulier la création d'un Corps des Contrôleurs.

C) Sécurité Sociale.

Le Mouvement Républicain Populaire est partisan d'introduire Outre-Mer « une Sécurité Sociale exactement adaptée » (Strasbourg 1949) et, en attendant l'établissement de ce système de sécurité sociale, que

soit maintenue et améliorée l'assistance médicale gratuite.

En même temps le Mouvement a réclamé une législation relative aux accidents du Travail (Lyon 1951).

Le Congrès de Lille (1954) devait préciser en réclamant :

la mise en application d'un système d'aide à la famille orienté vers la défense efficace de la santé de la mère et de l'enfant.

D) Politique familiale et respect des coutumes.

Le Mouvement Républicain Populaire s'est en effet attaché à la défense de la famille dans un respect des civilisations qui n'aboutisse pas pourtant à une sclérose d'institutions périmées. Ainsi le Congrès de Paris (1953) a-t-il souhaité :

Que soit instituée une politique familiale adaptée aux conditions particulières du milieu local.

Quant aux institutions traditionnelles, le Mouvement a fixé sa position dès 1947, au Congrès de Paris. Ce Congrès a affirmé :

sa volonté de faire respecter les institutions traditionnelles, sous la réserve que leur exercice ne soit pas contraire aux libertés de la personne humaine, n'entendant pas pour cela les cristalliser mais veiller que leur évolution résulte de la libre volonté des populations.

Dans le même esprit, au cours de ses divers congrès, le Mouvement s'est tout particulièrement attaché à l'évolution féminine.

E) Autres questions sociales.

Le Mouvement a pris position sur un certain nombre d'autres problèmes sociaux, tels que le développement de l'apprentissage et de la formation professionnelle accélérée (Bordeaux 1952), l'arrêt de l'alcoolisme (Lyon 1951, Paris 1953, Lille 1954)

la protection des vieux travailleurs, notamment par leur réintégration dans leur milieu d'origine.

F) Santé publique.

Le Mouvement a préconisé, nous l'avons déjà vu, l'Assistance médicale gratuite. De même il s'est montré partisan d'un large effort dans le domaine de la santé, à la fois par le développement des cultures vivrières susceptibles de remédier à la malnutrition. (Congrès de Bordeaux 1952) et par la multiplication des dispensaires de brousse.

III/ Questions économiques.

A) Une économie pensée pour les autochtones.

Le Mouvement Républicain Populaire, par les votes de ses parlementaires, s'est toujours montré un défenseur acharné des investissements Outre-Mer. La défense de ces investissements revient comme un leitmotiv dans les motions de tous ses Congrès.

Mais ces investissements, le MRP entend leur imposer un certain sens. Ils doivent avoir pour objet le niveau de vie et le bien des populations autochtones elles-mêmes. Le Congrès de Strasbourg (1949) l'a exprimé catégoriquement :

Le développement économico-social de l'Union Française se doit d'avoir pour objectif premier la satisfaction des intérêts des populations d'Outre-Mer et en particulier l'amélioration du niveau de vie de chacun des citoyens de l'Union Française.

Le Congrès de Lille (1954) devait reprendre la même idée en demandant :

que les crédits destinés aux investissements dans l'Outre-Mer soient augmentés et affectés par priorité à l'amélioration des conditions de vie des populations.

B) Priorité vivrière et paysannat.

De son côté, le Congrès de Lyon (1951) a insisté sur :

l'augmentation prioritaire de la production vivrière.

Et le Congrès de Bordeaux (1952) a manifesté un souci particulier de voir se développer les investissements agricoles, et les institutions du paysannat.

Afin d'élever le niveau de vie des populations africaines et concurremment d'éviter la formation d'un prolétariat, on devra accorder la priorité aux investissements agricoles. En vue du progrès des cultures vivrières destinées à l'alimentation locale, il conviendra de favoriser le paysannat et de faciliter la création de secteurs ruraux que les africains puissent rapidement gérer eux-mêmes. Pour atteindre ce but, en même temps qu'on établira un nouveau droit foncier, on généralisera l'éducation des masses, suscitera les cadres techniques agricoles et on améliorera l'outillage individuel.

Nous attirons particulièrement l'attention sur la citation précédente, et plus particulièrement sur la position très ferme prise par le Mouvement au sujet du Droit Foncier.

Le Congrès de Paris (1953) a lui aussi insisté sur l'agriculture précisant :

que les investissements agricoles doivent être prioritaires et réservés pour la plus grande part au paysannat africain, ce paysannat qui représente 95% de la population constituant encore la base de l'économie des Territoires,

Demandant en particulier que soit développé l'hydraulique agricole et pastorale et que soient adaptées aux territoires d'utiles formules qui font leur preuve dans la méthode, les zones témoins par exemple,

Rappelant que les résultats ne seront obtenus que par l'étroite coopération des services techniques de l'Administration et les notabilités locales et en fonction d'une étude scientifique des sociétés indigènes.

C) Industrialisation non prolétarisante.

Bien entendu, cette priorité agricole n'est pas exclusive d'une industrialisation, du moment que cette industrialisation soit réalisée de telle sorte qu'elle n'entraîne pas paupérisme et prolétariat. Sur ce point citons encore ce même Congrès de Bordeaux :

l'industrialisation de l'Afrique devra être également poursuivie mais en donnant la préférence aux industries de transformation agricole et aux grands ensembles, notamment miniers et énergétiques.

C'est afin de lutter contre la prolétarisation que le Mouvement s'est toujours montré attaché à la mise en place de coopératives (Congrès de Strasbourg 1949) et à la sauvegarde des petites et moyennes entreprises. Aussi le Congrès de Paris (1953) insiste-t-il

sur le fait que l'indispensable industrialisation a) ne doit pas négliger les petites et moyennes entreprises, pas plus que la modernisation de l'artisanat traditionnel.

b) que la construction de grands ensembles doit être limitée aux zones bénéficiant de conditions optima, matières premières, sources d'énergie, facilités d'évacuation.

D) Mesures diverses.

Pour permettre un tel programme, le MRP insiste sur un certain nombre de points, notamment le contrôle des investissements quant  leur orientation effective. Aussi le Congrès de Nantes 1950 a-t-il demandé :

que l'effort d'investissement auquel le budget métropolitain fournit la majeure partie des fonds soit utilisé conformément aux buts proclamés,

que soit exercé, concurremment avec le contrôle financier existant, un contrôle technique des Travaux entrepris ou à entreprendre au titre du plan, sans création d'organismes nouveaux et retardateurs.

Parallèlement le Congrès de Strasbourg 1949 a réclamé :

qu'il soit mis fin aux monopoles commerciaux de fait.

Quant au financement privé, le Congrès de Bordeaux 1952 a déclaré :

On fera, s'il y a lieu, tout en conservant la maitrise des richesses de l'Union Française, appel aux capitaux étrangers, en particulier européens, mais en prenant soin d'y associer les africains.

Le Congrès de Strasbourg 1949 avait marqué un souci analogue demandant :

que le profit soit réinvesti dans le territoire, dans la plus large mesure.

E) Une économie d'Union Française.

Le commerce extérieur des pays d'Outre-Mer étant orienté à 70% vers la métropole, dans un sens comme dans l'autre, seule une économie pensée et établie pour l'ensemble Métropole-Outre-Mer permettra le mieux-être commun. Aussi le Congrès de Strasbourg 1949 a-t-il affirmé :

les économies de la Métropole et des Territoires d'Outre-Mer doivent être développées et harmonisées dans le cadre général de l'économie de l'Union Française.

Avec plus de précisions, le Congrès de Nantes 1950 a demandé également :

que soit défini par un Conseil Supérieur du Crédit et de la fiscalité, en accord avec les Assemblées locales, une politique fiscale et budgétaire de l'Union Française, contribuant à la cohésion économique de l'Union, et qui devra permettre aux pays d'Outre-Mer, de trouver des ressources permanentes nécessaires au financement et à l'entretien des réalisations du plan.

Toujours vers cette même création d'une économie d'Union Française, et pour lutter contre toute séquelle du Pacte Colonial, le Congrès de Strasbourg 1949 a :

souhaité que l'industrie métropolitaine oriente ses fabrications vers la satisfaction des besoins d'Outre-Mer.

C'est toujours dans le même esprit que le MRP se montre attaché au maintien de la parité des francs. Ainsi le Congrès de Nantes a demandé :

que soient maintenues les parités des francs coloniaux et réprimées toutes manœuvres susceptibles de donner lieu à la spéculation.

IV/ Questions culturelles.

Le Mouvement Républicain Populaire est décidé à appuyer un intense effort de scolarisation Outre-Mer et à développer l'enseignement sous toutes ses formes.

Citons le Congrès de Strasbourg (1949)

le MRP estime qu'il est indispensable de développer l'équipement sanitaire et culturel de l'Union Française. Il insiste particulièrement sur la nécessité de dispenser largement, à côté de l'enseignement général, la formation professionnelle et de revaloriser le travail manuel.

Ce même Congrès a précisé :

le MRP estime que la création de nombreux centres de culture locale et l'intensification d'échanges culturels entre toutes les parties de l'Union Française sont les moyens les plus efficaces pour propager la notion d'une union vivante,

Recommande instamment d'établir Outre-Mer un enseignement qui ne dissocie point éducateurs et instruction, fasse évoluer l'autochtone à partir de sa civilisation propre, lui fournisse les possibilités d'accès à tous les degrés du savoir, et s'attaque à la base par le moyen d'une culture populaire, à l'ignorance dont souffre la masse.

Cette même idée devait être reprise par le Congrès de Paris (1953) qui a demandé :

que dans le domaine culturel et scolaire, l'enseignement à tous les degrés soit donné dans un esprit qui permette d'harmoniser les exigences de notre époque avec la culture et les civilisations propres des sociétés indigènes.

Un certain nombre de suggestions précises, d'importance variable, ont été apportées par le Congrès de Lyon (1951) :

1°) accélération de la scolarisation

2°) création d'Université d'Outre-Mer

3°) subventions à la recherche scientifique Outre-Mer et étude des sociétés indigènes

4°) création dans la métropole d'un Institut de l'Union Française

5°) étude des civilisations d'Outre-Mer dans tous les établissements d'enseignement métropolitains

6°) développement de la radio comme moyen d'accélérer les progrès de la culture

7°) Mise en œuvre d'un programme d'éducation de base.

Départements d'Outre-Mer

Beaucoup de points doctrinaux définis pour les territoires d'Outre-Mer valent pour les Départements d'Outre-Mer (caractère des investissements, francs CFA, etc... ).

Toutefois le Congrès de Bordeaux (1952), plus particulièrement sous forme de « considérants », a explicité la doctrine du MRP en ce qui concerne « l'assimilation » des quatre « vieilles colonies ».

Citons cette motion :

Considérant que la transformation en départements des vieilles colonies de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, et de la Réunion, décidée par la loi du 19 Mars 1946 et, consacrée par la Constitution, affirme un principe d'unité humaine qui ne saurait être remis en question.

Considérant en effet que la loi susvisée procède de la volonté commune d'une union encore plus étroite entre la Métropole et les plus anciennes de ses colonies.

Considérant cependant que le changement sans transition impose au régime législatif et administratif de pays très lointains, dont la situation géographique, la structure économique et les coutumes sont sensiblement différentes de celles des départements métropolitains, s'est révélée inefficace et même nuisible aux intérêts bien compris des populations antillaise, guyanaise et réunionnaise.

Considérant que l'assimilation totale et absolue des nouveaux départements d'Outre-Mer aux départements de la Métropole est donc une erreur, que les causes de l'inefficacité du régime actuel résident dans l'éloignement des pays considérés et surtout dans leur rattachement aux divers Ministères métropolitains que rien n'avait préparé jusqu'ici à l'étude des questions d'Outre-Mer.

Considérant que, dans ces conditions il importe tant sur le plan législatif qu'administratif de donner plus de souplesse à un système qui, pour être calqué exactement sur celui en vigueur dans la métropole, ne manque pas moins de souplesse et de coordination.

Le MRP à plusieurs reprises a émis le vœu :

que soit créé un Secrétariat d’État rattaché à la Présidence du Conseil, dont le rôle sera de promouvoir et de coordonner avec autorité les diverses mesures applicables à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique et à la Réunion et d'assumer enfin l'épanouissement de peuples dont l'attachement à la Mère Patrie n'a jamais cessé de se manifester depuis trois siècles.

Qu'une large décentralisation de pouvoirs soit réalisée et que les Préfets des quatre nouveaux départements aient des attributions notablement étendues.

Algérie

I/ Questions administratives et politiques.

A) Application du Statut.

La place prise par le MRP dans l'élaboration du statut de l'Algérie, ses efforts renouvelés pour en sauvegarder l'esprit, suffisent à montrer le rang que cette grande province française tient dans ses préoccupations. Aussi bien, le Congrès de Strasbourg (1949) pouvait-il affirmer :

que l'esprit de la République est la meilleure garantie de la présence de l'Algérie dans la famille française.

Les divers Congrès, de façon incessante ont demandé que soit respecté l'esprit du Statut. Déjà à Strasbourg :

le Congrès National, attaché à la volonté d'égalité qui a inspiré les auteurs du Statut de l'Algérie, demande que soit poursuivie et rapidement menée à bien la réalisation de toutes les promesses de ce statut.

Le Congrès de Nantes (1950) devait reprendre ce thème. Plus sévère le Congrès de Lyon (1951) devait regretter :

que ce statut dont il ne méconnait pas les insuffisances n'ait pas été appliqué dans ses dispositions constitutives.

Et le Congrès de Lille (1954) devait lui aussi demander :

le respect des clauses du statut de l'Algérie.

B) Création de nouveaux départements.

Dans cet esprit, et pour que disparaissent plus facilement les séquelles du colonialisme, le MRP demande que soient créés de nouveaux départements. Affirmation qui figure dans la motion du Congrès de Lille (1954) mais réclamation déjà formulée à Bordeaux (1952) :

le Congrès estime que s'impose la création de nouveaux départements respectant mieux que les anciens, les particularités ethniques de l'Algérie et l'orientation économique de certaines régions.

      1. Municipalités.

La municipalité étant la grande école de la démocratie, le MRP demande qu'en application du Statut de l'Algérie, soient multipliées les communes de plein exercice. (Strasbourg 1949, Lyon 1951, Bordeaux 1952, Paris 1953, Lille 1954).

Ainsi à Strasbourg a-t-on réclamé :

que la suppression progressive des communes mixtes demeurant l'objectif à atteindre aux termes mêmes du statut, soit activement poursuivie, en tenant compte de l'évolution de la population.

Celui de Bordeaux prescrivait :

l'extension du régime de plein exercice, principalement en Kabylie.

D) Élections  libres.

La plupart des Congrès ont insisté sur la nécessité d'assumer des élections libres, reprenant le souhait formulé par le Congrès de Strasbourg (1949) pour :

que les opérations électorales soient entourées des garanties nécessaires pour que leur sincérité ne puisse plus être sérieusement contestée.

E) Mode d'élection.

C'est pour remédier aux fraudes souvent dénoncées, en même temps que pour assurer une meilleure éducation politique que les Congrès de Strasbourg (1949) et de Bordeaux (1952) ont suggéré un système électoral plus accessible aux populations autochtones.

À Strasbourg était demandé :

que les modalités des lois électorales assurent bien à la population musulmane, dans les Assemblées locales, la représentation correspondant à son évolution.

Vœu repris à bordeaux où se précise que

s'impose la substitution au régime électoral actuel d'un mode de suffrage à deux degrés excluant la distinction fondée sur la race ou la religion.

On substituera en outre au scrutin de liste un scrutin uninominal qui facilite la représentation des minorités.

F) Administration centrale.

La réforme de l'administration centrale revient comme un leitmotiv dans les motions de nos Congrès, mais a été plus exigée par le Congrès de Paris (1953).

G) Fonction publique.

Le Congrès de Strasbourg (1949) a réclamé :

que soit assurée et rendue manifeste pour toute la population algérienne, l'égalité de tous les français aux emplois publics.

H) Séparation des cultes.

Conformément au Statut, le Congrès de Strasbourg (1949) a demandé :

que soient poursuivies les études nécessaires pour assurer l'indépendance du culte musulman vis-à-vis du pouvoir temporel.

Vœu formulé également par le Congrès de Paris (1953) qui a réclamé :

l'administration du culte musulman par les musulmans eux-mêmes.

II/ Questions économiques.

A) Aide de la Métropole.

Le Mouvement Républicain Populaire, conscient de la gravité du problème démographique algérien et de la pauvreté de cette région a toujours demandé pour elle un aide substantielle de la métropole. Ainsi le Congrès de Strasbourg (1949) a-t-il constaté :

que la réalisation, à une cadence suffisamment rapide des investissements nécessaires pour les programmes économiques, sociaux et culturels d'Algérie, ne sauraient se faire sans une aide substantielle de la métropole.

De même le Congrès de Paris (1953) a estimé nécessaire :

1) De faire prendre en charge par la métropole un partie substantielle des dépenses de l'enseignement.

2) De faire participer le budget métropolitain à concurrence de moitié, l'autre moitié étant assumée par le budget de l'Algérie à la constitution du fonds de progrès social.

B) Liens économiques Algérie-Métropole.

Dans le même esprit, le Congrès de Nantes (1950) a demandé que l'économie algérienne :

soit réellement intégrée dans l'économie d'ensemble de la République Française et participe par ses représentants qualifiés à la discussion des accords économiques internationaux.

      1. Standard de vie.

L'élévation du standard de vie des populations algériennes a été le constant souci du MRP, et ceci à travers les motions de tous ces Congrès. Ce souci anime les suggestions proposées pour l'agriculture comme pour l'industrialisation. Le Congrès de Nantes (1950) a plus particulièrement mis l'accent sur ce point en demandant :

que soit menée une politique économique qui permette d'accroître le standard de vie et le pouvoir d'achat des populations algériennes, condition essentielle de la création d'un marché susceptible de réaliser en Algérie le plein emploi et la promotion professionnelle.

      1. Agriculture.

L'Algérie est un pays rural. Le Mouvement se devait d'y avoir un programme agricole. Celui-ci a été résumé par le Congrès de Lille (1954). On a demandé :

l'application d'un plan d'organisation rationnelle, afin que cesse la sous-alimentation d'une grande partie de la population,

a) Par la mise en œuvre de toutes mesures susceptibles d'assurer la conservation et la rénovation des sols utilisables pour l'Agriculture.

b) Par la multiplication rapide d'un nombreux paysannat : facteur de promotion économique autant que d'équilibre politique.

c) Par la généralisation de la formation professionnelle des jeunes ruraux, condition essentielle de productivité.

      1. Par la réforme du Crédit agricole, dont la règle ne doit pas être la seule sécurité d'un placement à court terme, mais continuer d'être un instrument mis au service de l'effort de production pour une durée suffisante et en particulier au service de la promotion du paysannat musulman.

e) Par la réfonte des statuts particuliers des grandes cultures, vins, céréales, etc... dont la complexité actuelle égale l'inefficacité à résoudre les problèmes qui se posent aux producteurs, tout en étant une charge exorbitante pour l'ensemble de la Nation.

f) Par la participation active de l'Algérie au Pool vert dont les bases ont été jetées par Pierre Pflimlin et dont la réalisation rapide est indispensable.

g) Par la diminution de différentes charges (taxes diverses, détaxes de transport, carburants agricoles, engrais).

h) Par la constitution au sein des Coopératives agricoles ou Organismes stockeurs de réserves suffisantes, susceptibles de maintenir un cours rémunérateur des prix.

Préalablement un certain nombre d'autres points avaient été précisés. En particulier les Congrès de Strasbourg (1949) et de Bordeaux (1950) ont demandé :

l'équipement du pays en petite et grande hydraulique,

la multiplication des points d'eau.

E) Industrialisation et mines.

L'accent mis sur l'agriculture n'exclut pas l'indispensable industrialisation. Référons-nous encore au Congrès de Lille (1954) qui a demandé :

qu'une politique d'orientation du Crédit et des mesures d'allègements fiscaux permettent l'investissement de capitaux privés, nécessaires au développement de l'industrialisation.

et réclamé :

la multiplication des centres de formation professionnelle orientés principalement dans l'immédiat vers les industries de la Construction et l'octroi de prêts à la Construction sous toutes ses formes, et à taux réduits.

Déjà le Congrès de Lyon (1951) avait exigé :

la réalisation d'un plan d'industrialisation à l'effet notamment d'absorber les excédents de main-d’œuvre.

Le Congrès de Bordeaux (1952) avait insisté pour qu'on :

développe l'industrie et exploite les richesses du sous-sol, estimant que s'impose, parmi les tâches les plus urgentes, la mise en exploitation des richesses minières du sud-oranais.

III/ Questions sociales et culturelles.

A) Problème scolaire.

Le MRP a incessamment demandé que soit activée la scolarisation de l'Algérie. Déjà le Congrès de Strasbourg (1949) réclamait :

que les ressources du budget de l'Algérie et l'aide demandée à la Métropole soient notamment employées à accélérer les cadences de réalisation du programme scolaire.

Le Congrès de Nantes (1950) était encore plus précis en constatant que :

bien que la scolarisation soit poursuivie par les Pouvoirs Publics, il y a lieu d'attirer l'attention des ministres intéressés sur la nécessité de mener une politique de scolarisation et d'enseignement ne négligeant ni la formation professionnelle, ni la culture générale, de façon à permettre la promotion totale des populations algériennes.

Nouvelle précision à Bordeaux (1952) :

le développement de la scolarité et de l'enseignement technique est essentiel au programme économique et au meilleur aménagement d'une libre et sérieuse immigration dans la métropole, assurant la garantie de l'emploi.

À Nantes (1950) le Congrès avait insisté :

pour que la formation des maitres de l'enseignement fasse l'objet des soucis particuliers des Pouvoirs Publics.

B) Sécurité sociale.

Le Congrès de Strasbourg (1949) demande :

que les Travailleurs algériens de toutes catégories soient rapidement dotés d'une véritable organisation de la Sécurité Sociale.

Le Congrès de Lyon (1951) devait réclamer lui aussi :

l'extension au secteur agricole de la Sécurité Sociale.

C) Travailleurs en France.

La douloureuse situation des algériens dans la métropole a toujours préoccupé le MRP. À Lyon (1951) le Congrès a souhaité :

l'instauration d'une véritable politique de l'émigration (orientation pratique des émigrants, création de centres d'hébergements dans la métropole). L'emploi des immigrants algériens en France par priorité sur les immigrants d'origine étrangère ; l'extension des services hospitaliers locaux et de l'équipement nécessaire pour accueillir les hommes ayant contracté une maladie de longue durée et qui se rétabliraient plus rapidement dans leur propre pays.

La motion du Congrès de Paris (1953) porte :

Le Congrès attire l'attention du Parlement et de l'opinion sur la grave situation des 300 000 algériens résidant dans la France métropolitaine. Il félicite les associations et notamment l'Amicale des Nord Africains résidant en France, de leur action courageuse en vue d'aider les citoyens français défavorisés.

Enfin le Congrès de Lille (1954) :

Considérant que les travailleurs des départements de l'Algérie, trop souvent attirés dans la Métropole par des agents recruteurs sans scrupules, vivent dans les conditions particulièrement difficiles, souvent inadmissibles, a demandé qu'une politique de plein emploi et de formation professionnelle soit instaurée pour eux.

A demandé également que les intéressés soient largement informés des conditions réelles de travail qui les attendent.

      1. Promotion féminine.

Le congrès de Nantes (1950) a souligné :

le rôle de la femme dans l'évolution de la société algérienne et a demandé la mise à l'étude de toutes les mesures qui donneront à la femme musulmane la place qu'elle doit occuper dans la cité.